HÉROLD, NATHALIE, ÉDITORIAL, MUSURGIA, 29/1-2 (2022)
Le présent numéro de Musurgia poursuit, dans la lignée du volume XXVIII/1, la publication de textes traitant de sujets variés. Il propose ainsi à la lecture trois articles fondés sur trois approches analytiques et trois répertoires musicaux différents, rassemblés néanmoins autour du fil conducteur que constitue la musique française. Il y est en effet question d’une part de l’œuvre de Claude Debussy (1862-1918) et de celle de son contemporain et ami André Caplet (1878-1925), avec une place de choix accordée au piano et à la voix. Le numéro propose d’autre part une incursion dans le champ des musiques populaires actuelles, par la découverte d’une pièce techno du compositeur et DJ français François X, de son nom civil François-Xavier Zounmenou (né en 1982).
Trouvant son origine dans une communication présentée dans le cadre des Journées d’Analyse Musicale 2018 (JAM 18) d’Aix-en-Provence [1][1]Sous l’égide de la Société Française d’Analyse Musicale, les…, l’article de Benjamin Lassauzet s’appuie sur les théories d’Algirdas Julien Greimas et de Charles Lalo pour mettre en évidence un ensemble de significations musicales dans la mélodie « Fantoches » de Debussy, extraite du recueil des Fêtes galantes pour voix et piano, ainsi que dans sa pièce pour piano Masques. En croisant des considérations relatives tant à la thématique du masque qu’à la notion d’humour musical, en étroite relation avec le contexte de la commedia dell’arte, Benjamin Lassauzet s’attache à décrypter des éléments du langage musical debussyste qu’il interprète sous l’angle de la vie personnelle – et plus particulièrement amoureuse – du compositeur.
C’est à la dimension rythmique du langage musical que s’intéresse ensuite Clare Wilson, dans un article consacré aux Cinq ballades françaises d’André Caplet. Composées sur des poèmes de Paul Fort, ces mélodies sont ici considérées au prisme d’une analyse conjointe des structures poétiques et musicales. À la lumière des théories d’Harald Krebs – en particulier les notions de consonance et de dissonance métriques – ainsi que de Grosvenor Cooper et Leonard B. Meyer – s’agissant de la notion de groupement –, Clare Wilson propose une analyse de plusieurs passages pour voix et piano ainsi que pour piano solo, identifiant en particulier des cas de dissonances indirectes (indirect dissonance) et de couches antimétriques non alignées (nonaligned antimetrical layers) qui rendent compte de la complexité du langage rythmique et métrique de Caplet et de sa gestion fine du temps poético-musical.
Enfin, l’article d’Antoine Petit se propose de repenser l’analyse de la musique techno en défendant une prise de distance par rapport aux approches sociologiques et culturelles les plus couramment adoptées pour l’étude de ce répertoire, afin de recentrer l’analyse sur la dimension spécifiquement musicale de son objet. Sur la base d’une réflexion de nature épistémologique et méthodologique qui s’appuie en particulier sur la théorie des musiques audiotactiles développée par Vincenzo Caporaletti et Laurent Cugny, Antoine Petit présente – en tant qu’étude de cas – une analyse musicale du titre « Dirty Chat » extrait de l’album Irregular Passion de François X, qui repose sur des transcriptions solfégiques, des sonagrammes, des représentations formelles, ainsi que des schémas d’analyse rythmique et mélodique. L’analyse conclut à une poétique de l’errance d’une œuvre techno qui, paradoxalement, ne se destine peut-être pas tant au mixage et à la danse qu’à une écoute spécifiquement musicale.
Notes :
Sous l’égide de la Société Française d’Analyse Musicale, les Journées d’Analyse Musicale 2018 (JAM 18) ont eu lieu les 23 et 24 novembre 2018 au Conservatoire Darius-Milhaud d’Aix-en-Provence autour de la thématique « C. Debussy, F. Couperin et la musique française : analyses, théories, interprétations ». Le programme détaillé est accessible en ligne à l’adresse https://sfam.org/wp-content/uploads/JAM18_programme-livret.pdf, consultée le 27 juillet 2022.